Augré du temps, au fil des gens par Monique Zomer aux éditions Amalthee.
Description Crédit Photos Viviane MénardC'est un jardin commencé il y a 20 ans par Viviane et Raynald sur un hectare quarante avec 5 arbres. Peu à peu arbres et arbustes se sont succédés pour créer des ambiances, des coins romantiques, le tout dans l'harmonie des couleurs et trouve une multitude de mise en scène de la bambouseraie aux kiosques, recoins où il fait bon s'arrêter. C'est un jardin qui s'enrichit chaque année au gré des pouvez flâner et faire un halte dans les salons romantiques disposés sur l'ensemble du jardin. Le jardin, fait par des amateurs, trouve son nom "les Couleurs du Temps" dans la succession des empreintes laissées par les saisons Historique Après avoir habité en Normandie, Raynald et Viviane achètent en 1993 une première parcelle de terrain au lieu-dit "La Guittière" à constat est simple, c'est un champ de maïs de 4500 m2 et le terrain ne compte que 6 plantations apparaissent, tout d'abord des haies puis des petits massifs...Une deuxième parcelle est achetée en 1997, celle-ci est de 5000 m2 et ne présente aucune 1999, la tempête Martin, déracine de manière spectaculaire un des arbres présents en 1993 lors de l'achat de la première parcelle. Le cèdre nous quitte en ce 27 Décembre années plus tard, en 2000, la dernière partie de 4500 m2 est jardin repensé au fil du temps, au gré des humeurs et des envies. Informations Pratiques Ouverture Du 19 Avril 2014 au 31 Août 2014Fermeture annuelle de Septembre à uniquement les week-end et jours dimanche, jours fériés 14h-19h Tarifs Tarif adulte 3 enfant de 12 ans à 18 ans 1 enfant moins de 12 ans offert. Types de visite Visite libre, Rdv Groupes.
Aufil des pages, au gré des pensées Sur l'impossibilité d'apprécier L'attrait de l'uniforme >> 29 novembre 2011 2 29 / 11 / novembre / 2011 08:40. Le génie de Combray. Pour le plaisir d'entendre siffler le vent dans les haies d'aubépines: "Et, essuyant mes larmes, je leur promettais [aux aubépines], quand je serais grand, de ne pas imiter la vie

Congo belge, Province de l'Equateur Photo de Boende prise par mon ami FX Ă  bord de son Fokker

Aufil des jours les sorties au théâtre ou au cinéma deviennent des gageures pour cause de couvre-feu. Alger à son tour sombre dans le cauchemar. Le temps est à la guerre, à la
Les doubles-croches ? Ces notes brèves, inattendues et sautillantes, que le hautbois lance au-dessus de la tenue de l'orchestre image de ces clins... Lire la suite 23,90 € Neuf Définitivement indisponible Les doubles-croches ? Ces notes brèves, inattendues et sautillantes, que le hautbois lance au-dessus de la tenue de l'orchestre image de ces clins d'oeil furtifs qui nous révèlent, si nous sommes attentifs, ainsi le " curieux " du tympan de Conques, une bonne part de la saveur des jours et du miracle des rencontres. L'auteur nous convie au récit de quelques-uns de ces fragments véridiques d'une histoire qui pourrait être celle de chacun nous v côtoyons subrepticement Andrei Sakharov, Yo Yo Ma, Georges Enesco, Nelson Mandela... mais aussi l'attachante couturière de la rue Saint-Séverin ou la belle inconnue d'Ekaterinbourg... Pages toniques où la légèreté du ton ne saurait dissimuler cette pensée que l'aventure de chacun se relie mystérieusement à celle de tous, comme le font les différentes voix entremêlées du concert. Et que de celui-ci, les notes brèves, à peine perçues et souvent trop vite oubliées, ne sont pas toujours les moins substantielles. Date de parution 08/10/2010 Editeur ISBN 978-2-7465-0494-3 EAN 9782746504943 Format Grand Format Présentation Broché Nb. de pages 274 pages Poids Kg Dimensions 13,5 cm × 20,0 cm × 2,0 cm Biographie de Yves Quéré Yves Quéré, physicien, a été professeur et directeur de l'enseignement à l'École polytechnique. Membre de l'Académie des sciences, il a été élu à la présidence de l'IAP InterAcademy Panel, Assemblée des Académies des sciences de par le monde. Il travaille actuellement, avec Georges Charpak et Pierre Léna, à la rénovation de l'enseignement des sciences à l'école et au collège.
Trajectoires- au fil du temps, au gré du lieu par Aime Perret aux éditions Sydney laurent. "En filigrane de ce récit autobiographique, il y a comme une méditation un brin nostalgique sur le temps, surtout celui qui passe, parfois celui qu'il fait.C'es Architecture Un nouvel atlas des villes, "La vie"-"Le Monde", avec ses 200 cartes originales, qui raconte à sa manière toute l'histoire de l'humanité, depuis les premiers noyaux urbains jusqu'aux mégapoles contemporaines. Des esprits inquiets ou lucides nous annoncent qu'elle sera congestionnée, polluée, tentaculaire, proliférante, surveillée. A moins qu'elle ne se montre intelligente, participative, verticale, sensuelle, biodiverse et connectée ? Ici, on dit la ville muséifiée, boboïsée, embourgeoisée. Mais là, on la voit et on la vit déjà autrement - revisitée, réinventée, mondialisée. A quoi ressemblera donc la ville du futur ? Question décisive, car tout porte à croire que l'urbanité est l'avenir de l'homme puisque, dans un peu plus d'une génération, seulement un tiers de la population mondiale vivra encore en milieu rural. Déjà la vibration, la pulsation, l'énergie du monde sont essentiellement urbaines. Et demain ? DÉTOURS Pour comprendre le présent et tenter d'anticiper le futur afin de mieux en être acteurs, rien de tel qu'un voyage dans le passé. C'est le parti pris de cet atlas, reliant l'histoire à la géographie et la culture à la géopolitique. Reprenons donc le fil du temps. Des cités anciennes habitent notre imaginaire Babylone, Athènes, Rome... D'autres peuplent nos rêves ou nous invitent à de nouveaux voyages dans un passé qui n'en finit pas d'être actuel Kyoto, Venise, Tombouctou, Istanbul... C'est par de tels détours que l'on arrivera à Shanghaï, à New York et à Sao Paulo, à Dubaï et à Lagos. Ce nouvel atlas, avec ses 200 cartes originales, raconte donc à sa manière toute l'histoire de l'humanité, depuis les premiers noyaux urbains jusqu'aux mégapoles contemporaines. Les villes de France peuvent sembler muséales, figées dans des exigences patrimoniales. Pourtant notre pays n'échappe pas à ce grand mouvement planétaire, avec ses enjeux environnementaux, culturels et sociaux. Autour des déplacements multimodaux, de l'intercommunalité, de la mixité sociale, de la crise d'identité du périurbain, des questions complexes surgissent, de vieux clivages politiques s'affaiblissent, des choix éthiques se profilent. Des débats d'apparence technique, mais qui concernent en réalité notre vie quotidienne, sont ici rendus lisibles. Les meilleurs experts, les universitaires, les journalistes sont réunis et leurs points de vue croisés comme on échange paroles et regards au gré d'une promenade inspirée. Cet ouvrage, par son ambition et par sa dimension exceptionnelle, se présente comme une mégapole. Il faut accepter de s'y perdre pour apprendre à chaque coin de rue, souvent par des rencontres inattendues grands architectes, romanciers à succès, cinéastes, artistes, urbanistes... et même un moine. Bonne promenade en villes. L'Atlas des villes, 186 pages, 12 €, en kiosque le 17 octobre Didier Pourquery, Jean-Pierre Denis et "La Vie" Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Découvrir les offres multicomptes Parce qu’une autre personne ou vous est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil. Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois ordinateur, téléphone ou tablette. Comment ne plus voir ce message ? En cliquant sur » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte. Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ? 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À défaut de se reconnaître un foyer dans cette Allemagne qu’il traverse, Bruno – réparateur ambulant de projecteurs de cinéma – adopte le lieu de provenance de son véhicule par un phénomène significatif de transfert d’origine, du camion vers lui-même. Lancé en voiture dans une course folle, Robert a déchiré une photo avant de finir sa trajectoire dans le fleuve, puis regardé le toit de la voiture s’évanouir dans l’eau, n’ayant sauvé rien qu’une valise. Il en videra plus tard le contenu dans une poubelle. La photo était celle d’une maison. 1 Psaume CXXVII, traduction de Louis Segond, 1910 2 - Les femmes ! Font chier ! » fit le grand forçat. » FAULKNER, 2000 245 2Il y va ici et là d’un dépouillement, celui d’une maison qui n’est plus ni Heimat – cette patrie des pères coupables – ni même Bleibe – cette demeure introuvable des femmes et des mères –, qui n’est plus qu’un espace vide autant qu’un temps mort pour ces deux hommes réduits à longer la frontière entre deux Allemagnes, entre deux foyers impossibles à investir – imprimerie du père de l’un, maison de la mère de l’autre –. Robert a sauvé du naufrage un livre un traité de psychologie de l’enfant. Plus tard, on saura que sa profession est à l’intersection de la pédiatrie et de la linguistique. Le livre est une édition française. On verra Bruno, pour sa part, se plonger dans un livre en langue anglaise The Wild Palms de William Faulkner. Chacun transporte un livre dans une langue étrangère, nouveau refus d’appartenance, cette fois à la langue maternelle. Le choix du roman de Faulkner est riche de résonances. Tout d’abord son titre – primitivement, suivant le choix de l’auteur If I forget Thee, Jerusalem en référence à la captivité des Hébreux à Babylone – fait allusion au déracinement Comment chanterions-nous les cantiques de l’Eternel / Sur cette terre étrangère ? / Si je t’oublie, Jérusalem »1. Déracinement que les personnages wendersiens expérimentent au cœur de la terre natale. Ensuite, par sa structure le roman se compose de deux intrigues en parallèle, apparemment indépendantes, – Wild Palms » les amours tragiques de deux amants et Old Man » les aventures d’un forçat lors d’une crue du Mississipi – structure sur le mode de la coupure à laquelle la frontière renverra aussi. Enfin, les derniers mots du roman – du moins ceux de Wild Palms », ceux de Old Man » étant leur pendant ironique2 – s’accordent particulièrement aux personnages wendersiens Entre le chagrin et le néant, je choisis le chagrin. » Faulkner, 2000 234 Robert, le kamikaze », en symétrique de Bruno, est celui qui choisit le néant, ou plutôt voudrait choisir le néant, sa course suicidaire se terminant sans grands dommages dans les eaux de l’Elbe. Le chagrin, en revanche, c’est le prix à payer de cette faculté humaine qui va les travailler la mémoire éternelle et inévitable, aussi longtemps qu’il y aurait une chair pour la titiller. » Faulkner, 2000 233 Wild Palms peut passer inaperçu dans l’image, ce n’est que le détail de la couverture d’un livre de poche qui n’accède même jamais au gros plan. Mais Wenders, nous le verrons, est particulièrement soucieux de la présence de ce genre de détails, peut-être davantage pour lui-même – comme indices de la fabrication du film, symptômes de sa sédimentation – que pour le spectateur. Déracinement, division, incapacité à vivre en couple sans que mort s’ensuive, ruminations de la mémoire Wild Palms fertilise singulièrement la trajectoire des héros, ou plutôt, comme a pu l’écrire Barthélémy Amengual, des anti-héros Les premiers anti-héros de Wenders – ils ont, entre 1970 et 1975 l’âge de l’auteur, la trentaine – sont les enfants névrosés d’une histoire spécifique, les héritiers d’une Allemagne tombée en morceaux. » Amengual, 1997 288 3Au générique, Wenders nous décrit les conditions de fabrication du film en noir et blanc, au format 1/1,66 et son direct, tourné en onze semaines du 1er juillet au 31 octobre 1975, entre Lüneburg et Hof, le long de la frontière de la RDA. Wenders pour tout scénario n’avait qu’une carte routière, le projet du film tenant dans ce périple en lisière d’une frontière au cœur même du pays natal. La frontière n’est pas ici simple délimitation géographique, mais cicatrice d’un traumatisme historique qui, constamment, fait retour. Dans ce no man’s land intérieur – au sens géographique comme psychologique –, les seuls repères de cette odyssée singulière seront ces salles de cinéma, vides et menacées de disparition. Si le théâtre d’ombre est ranimé, momentanément, à l’attention d’un public d’enfants impatients d’une projection à laquelle ils n’assisteront pas, faute de matériel en état, l’ultime étape du voyage sera un écran blanc, ce Weisse Wand, espace vide en attente dont l’enseigne WW signature cryptée de l’auteur, brille de cette aspiration d’une identité qui viendrait s’y inscrire. 4Robert a lancé sa voiture dans le fleuve, après avoir déchiré la photo de sa maison, et Bruno devra traverser un autre fleuve pour s’approcher de celle de son enfance. Les seuils sont ici symboliques fleuve qui sépare de la maison de la mère, passage à niveau qu’il faut franchir pour accéder à l’imprimerie du père à défaut d’être matérialisés par une porte. Tenir dans ses bras une porte » Ponge, 1988 44 ironise le poète, faisant de ce supposé banal objet de transition un inattendu objet de désir, et c’est bien d’un désir inassouvi que la porte se charge ici. Quelque chose du cinéma se joue dans l’acte de franchir une porte point de raccord d’un intérieur et d’un extérieur, le passage de porte est le lieu de toutes les manipulations, de toutes les libertés. Ici, tenir dans ses bras une porte – et le raccord qui va avec – ne va pas de soi. Le traditionnel raccord sur l’ouverture de porte est curieusement évité ou désamorcé. Par le contre-jour radical lorsque la porte la plus manifestement tenue dans les bras s’ouvre sur Robert, porte d’un cinéma vide dans l’encadrement de laquelle la silhouette se découpe, avant d’être happée par l’obscurité. Par le geste violent lorsque Bruno rentre dans la maison de son enfance, en en franchissant le seuil par la grâce du montage qui le pousse du dehors au-dedans. L’aventure qui laissait augurer de l’investissement nostalgique du lieu, se solde par un franchissement dans l’autre sens celui d’une masse, jetée au travers de la vitre. Ailleurs, c’est le plan d’extérieur qui manque, comme dans le cas de l’imprimerie du père de Robert la caméra ne franchit pas le seuil en articulant par le montage dehors et dedans, mais attend, à l’intérieur, l’arrivée de Robert puis celle de Bruno. Si des portes s’ouvrent, les lieux qu’elles offrent à la conquête des personnages wendersiens ne peuvent être investis et restent de fait, des non-lieux maison de l’enfance, imprimerie du père, cinémas à la dérive… La porte arrière du camion se ferme de l’intérieur, permettant au spectateur d’entrevoir avant que l’obscurité ne se fasse, le mot Hermès » se reconstituer par la réunion des deux battants par inversion, le nom du messager s’inscrit à l’intérieur du camion, comme un secret bien gardé. 5Le seuil peine désormais à délimiter ces intérieurs désertés de ces extérieurs indifférenciés bourgs dont quelques enfants sont les derniers occupants, villes à l’abandon qui semblent surgies de quelque catastrophe. Usines désaffectées où traînent les fantômes tel cet homme désemparé dont la femme vient de jeter sa voiture contre un arbre et qui lance des débris de poussière dans un silo rouillé, présence spectrale au cœur de la nuit. Vallons sans caractères, ni vraiment ruraux – même si on y croise quelques moutons – ni vraiment urbains, ou paysages pâles où le corps ne laisse plus que la trace organique de son passage, comme le signe du refus de toute appartenance, comme si c’était ce qu’il restait à faire sur cette terre étrangère. Nous sommes là face à ce que Gilles Deleuze dans Cinéma 1 l’Image-mouvement appelle des espaces quelconques. Leur indifférenciation et leur vacuité en font l’expression privilégiée des affects. Le paysage renvoie alors à l’intériorité des personnages et le voyage à la conscience. Dans Emotion Pictures, Wenders reprend à son compte les préconisations de Ronald D. Laing Nous sommes socialement conditionnés à considérer comme normale et saine une totale immersion dans l’espace et le temps extérieurs. … Or, il me semble beaucoup plus sensé, beaucoup plus nécessaire, beaucoup plus urgent d’entreprendre l’exploration de l’espace et du temps intérieurs de la conscience. Peut-être est-ce là l’une des rares choses qui aient encore un sens dans notre contexte historique. » Laing, 1988 30 Il y a alors l’idée d’un franchissement au sein même de la matière cinématographique, les films étant, suivant Wenders réalisés de l’intérieur vers l’extérieur ». Wenders, 1990 91 3 HOMERE Odyssée chant XVII 11-54 6Ce que cette intériorité et cette conscience manifestent, c’est le refus d’appartenance. Peter Handke, à propos de Faux Mouvement 1975 énonce littéralement cette incapacité, dorénavant, à pénétrer des maisons qui, apparemment, n’ont rien de changé Les rues étroites d’une ville, peut-être encore extérieurement semblable à celles de Goethe, avec des maisons à colombages, mais là, par exemple, on ne peut plus entrer dedans pour de bon. » Wenders, 1990 22 Dans Au Fil du temps, personne n’arrive plus à entrer dedans pour de bon », les personnages – et pas seulement Bruno et Robert – préfèrent habiter ailleurs que dans des lieux d’habitation. Significativement, il n’y a plus de maison où dormir, non par manque mais par aversion, semble-t-il. Bruno et Robert dorment dans le camion, bien sûr, mais évitent de dormir dans la maison de l’enfance et préfèrent un tas de sable ; Bruno et la jeune caissière partagent une nuit dans l’arrière-salle d’un cinéma ; le père de Robert dort dans son imprimerie… Il semble qu’il n’y ait plus de lieux en Allemagne où dormir, auxquels appartenir, plus de lieux à investir, tel un héros de l’Odyssée puis il entra en franchissant le seuil de pierre »3. 7Si le seuil n’est plus, cinématographiquement, le lieu d’un passage, c’est que pour ces jeunes Allemands, l’appartenance à la communauté est par trop problématique L’Allemagne. J’ai l’impression, pour parler dans le vague, que c’est d’abord quelque chose qui n’existe pas ou qui n’existe pas encore. Donc un vide. » Wenders, 1992 217 Dans Philosophie un rêve de flambeur, Jean-Toussaint Desanti se souvient de la maison de sa tante, en Corse, dont la porte restait ouverte quelque fût le temps, accueillant l’étranger à la condition qu’il laisse dehors ce qui le liait à l’extérieur haches, pioches, fusils…, à condition qu’il ne pose pas le pied sur le seuil – le mutale de la langue Corse –, à condition enfin, qu’il laisse un sou en échange de la soupe. Tant et si bien que le jeune Jean-Toussaint en venait à penser que sa tante tenait une auberge. En fait, il n’était pas question d’auberge et le sou n’était pas le prix de la soupe. L’un et l’autre désignaient l’échange, offrande contre offrande autant de signes de l’alliance entre l’extérieur et l’intérieur. » Desanti, 1999 41 Dépouillé, le héros wendersien n’a plus rien à échanger même si Bruno laisse sa veste sur la balustrade avant de pénétrer dans la maison de l’enfance, comme il l’enlève systématiquement dans ce qu’il considère son chez-soi le camion où il reste, nu, sous sa salopette. 8En refus d’appartenance, il ne veut rien échanger. Ne pas se soumettre à la loi du seuil est alors le symptôme d’une impossible communauté. Bruno reste sur le pas de la porte – celui du garage de Raul, l’ami d’enfance de Robert – de la même façon que Robert reste sur le pas de la porte de la maison de l’enfance de Bruno il l’écoute de l’autre côté du mur et s’éloigne. Le lieu de l’enfance est le lieu de l’expérience individuelle, unique et non partageable. Après avoir signifié son refus d’investir la maison de l’enfance en en brisant la fenêtre, le montage fait l’ellipse du franchissement inverse, comme si la maison, espace devenu inhabitable et c’est la terre entière qui deviendra inhabitable dans le film qu’on tente de tourner dans L’Etat des choses – 1982 l’avait jeté dehors. On retrouve Bruno à l’extérieur, sur l’escalier à demi ruiné, Robert lui demandant s’ils peuvent dormir à l’intérieur et devant son refus, le laisse seul avec sa peine Pour ceux qui sont trop tourmentés d’eux-mêmes, le pays natal est celui qui les nie. » Camus, 1939 81 Rester sur le pas, rester sur le refus du franchissement, ou alors casser les carreaux de la maison de l’enfance et refuser d’y dormir, ne pas franchir le pas, c’est ne pas risquer d’appartenir à cette terre allemande, n’ayant d’autre choix, alors, que de vivre dans un camion. Là s’exprime le foyer idéal pour Wenders Mobile home. Une combinaison contradictoire de mots où pourtant se définit une liberté peut-être mince, mais que je tiens en haute estime. Mobile » a une note de fierté et veut dire le contraire de se trouver bloqué », faire du sur-place », rester en plan ». Home » veut dire à la maison », chez soi ». Un chez-soi ne devrait justement pas être mobile, il se distingue précisément par le fait qu’il est fermement installé quelque part. Aussi, non seulement l’Allemand ignore-t-il l’expression contradictoire Wohnwagen » [caravane] et Fertighaus » [maison préfabriquée] veulent dire autre chose, mais aussi la chose elle-même une maison qu’on installe quelque part, et ailleurs l’année suivante. Sur les autoroutes américaines, des maisons viennent sans cesse à votre rencontre.» Wenders, 1988 191 9Il y a là une nostalgie, non pas de la patrie, mais d’un état antérieur de l’humanité qui la protégeait de l’attachement à la patrie celui du nomadisme, d’un âge d’or que Wenders éprouve aux Etats-Unis Le pays est trop vaste pour qu’on puisse décider où rester. Alors on préfère admettre qu’on ne sait pas où on est chez soi. Il y a là une liberté. » Wenders, 1988 193 10C’est de cet attachement à la terre que les personnages wendersiens se défont en optant pour le nomadisme, cet état antérieur à l’idée de patrie. Là aussi, la distinction avec Ulysse, si apte à franchir les seuils de pierre » est manifeste, dans cette histoire de l’humanité qu’Adorno et Horkheimer retissent à partir de son Odyssée Il y a là une réminiscence de l'histoire où la vie sédentaire, qui condi­tionne l'existence de toute patrie, succéda au nomadisme. Si l'ordre stable de la propriété qu'assure la vie sédentaire fonde l'aliénation des hommes d'où naît toute nostalgie et tout regret de la perte de l'état originel, c'est pourtant la séden­tarité et la stabilité de la propriété – à l'origine du concept de patrie – qui fonde toute nostalgie, tout mal du pays. » Adorno, Horkheimer, 1974 90 11Sur le pare-brise du camion, par transparence, intérieur et extérieur font alliance, mais par image reflet et projection. Le camion est une demeure sans seuil, sans jonction d’un intérieur et d’un extérieur l’extérieur file au gré des déplacements, et traverse en permanence l’intérieur. Là, le dedans et le dehors s’indistinguent. Le mutale était un non-lieu, un lieu zéro en quelque sorte. Qui s’y trouve, nétant nulle part, court le risque d’y demeurer à jamais et d’y disparaître. » Desanti, 1999 41 écrit encore Desanti. Au fil du temps serait l’histoire de cette condamnation n’ayant pas respecté la loi du seuil, Bruno et Robert s’y engloutissent et par là, sont voués à ne plus accéder à aucune appartenance et à demeurer dans la solitude. Au début d’Au Fil du temps, Rüdiger Vogler Bruno reprend son personnage là où il l’avait laissé à la fin du film précédent Faux Mouvement mon seul désir était d’être seul, pour qu’aucun importun ne vienne troubler mon apathie … j’avais l’impression d’avoir manqué quelque chose, et de continuer à manquer quelque chose à chaque mouvement. » Ce qu’il manque, c’est la présence des autres, Peter Buchka a remarqué combien les personnages de Wenders sont toujours entre deux, dans l’oscillation constante entre deux états intenables les personnages de Wenders doivent se frayer un passage entre deux pôles comme les Argonautes entre Charybde et Scylla d’un côté la solitude … et d’autre part, l’impossibilité de vivre de façon durable avec d’autres hommes – et avant tout avec des femmes –. Les personnages de Wenders ne supportent ni l’un ni l’autre, ni la solitude ni la vie avec d’autres. » Buchka, 1986 119 La présence de l’autre manque, raison pour laquelle Bruno accepte de partager la route avec Robert, ou une nuit avec la jeune caissière de cinéma. Et à la fois, l’autre est de trop au petit matin, Robert laisse Bruno endormi dans le poste frontière américain abandonné et Bruno laisse la jeune femme dans l’arrière-salle du cinéma. Wenders se représente l’Allemagne comme une terre inhabitable et sans lendemain aucun couple n’y survit et encore moins se projette dans une histoire. Robert est en train de se séparer de sa femme et reproche à son père d’avoir, pour finir, tué sa mère. Bruno a délibérément choisi la solitude et l’ataraxie ça va de mieux en mieux ! », son père, quant à lui s’est perdu pendant la guerre ». La jeune caissière se dit satisfaite de vivre seule avec sa fille, et partage une nuit sans lendemain avec Bruno, lequel ne se sent jamais aussi seul que dans une femme. Un troisième homme s’invite dans le camion, il porte le manteau ensanglanté d’une femme, la sienne, qui s’est jetée en voiture contre un arbre, suicide que Robert craint pour sa propre femme. La présence des hommes auprès des femmes est pathogène, voire mortelle, et c’est bien le destin de son père que Robert pourrait alors reproduire, en plus dramatique. Il paraît plus prudent aux hommes de rester entre eux, dans le désir permanent d’une femme. Dans le poste frontière américain, Bruno et Robert, à la lueur des bougies se confient, se provoquent, se battent, admettent vouloir une chose et son contraire, et pour finir, Robert constatera On ne peut pas vivre comme ça sans pouvoir imaginer ou souhaiter aucun changement. » Robert souffle sa bougie, le cadre se divise en deux, Robert d’un côté, dans le noir, et Bruno éclairé, de l’autre, signe de l’écart entre eux qui ne sera jamais recouvert, de la rupture qui finira par advenir. Au petit matin, Robert un œil poché, et Bruno la lèvre fendue retournent chacun de leur côté à leur solitude. Pères sans femme ni enfants, comme les enfants sont privés de père et mère il n’y a pas d’adulte, ni autour de la station-service où Robert arrête sa voiture et échange par signes avec des enfants en train de jouer, ni à la gare où l’ultime rencontre qu’il fera sera celle d’un jeune garçon, occupé à décrire ce qu’il voit. 12Franchir un seuil l’imprimerie pour Robert et le conflit avec le père ; la maison de l’enfance pour Bruno et le retour traumatisant des fantômes, c’est une question d’espace mais aussi de temps. Il s’agit pour l’un comme pour l’autre de revisiter le passé et de l’affronter, pour au petit matin, trouver un peu de paix Bruno sort de sous l’escalier la boîte à secrets – affiches de film précieusement conservées dans une boîte de pellicule par l’enfant qu’il fut – comme Jeff Mc Cloud retrouvait, sous la maison originaire, les trésors de son enfance dans The Lusty Men Nicholas Ray, 1952. Dans Nick’s movie 1980, NicholasRay dira à Wenders les raisons de l’attachement de celui-ci à ce film le sentiment, non éprouvé mais désiré de l’attachement au foyer, à une terre this film is a western. This film is really a film about people who want to own a home of their own ». Même traumatisante, l’expérience du retour à la maison natale sera réconfortante pour Bruno car elle aura témoigné de quelque chose dont il se croyait dépourvu un passé. Pour la première fois, je me vois comme quelqu’un qui a vécu un certain temps, et ce temps, c’est mon histoire. » Au plan suivant, Robert vide le contenu de sa valise dans une poubelle au bord de la route il s’agit, malgré tout, d’en faire table rase, de ne pas se laisser trop aller à cet enracinement, de ne jamais oublier qu’il est, potentiellement, coupable. En effet, si l’appartenance à la terre allemande, et par là, à son Histoire est profondément problématique, c’est parce que les pères sont fondamentalement coupables, coupables d’avoir été nazis, comme le vieux projectionniste qui ouvre le film, coupables plus confusément, comme le père de Robert, dont on se demande ce qu’a pu imprimer pendant la guerre cet homme endormi dans son imprimerie sous le portrait de Gutenberg, et à qui son fils reproche dès que je dis quelque chose, j’ai l’impression de le voir imprimé ». Coupable aussi, le vieil homme hagard dans son garage où une guerre semble ne jamais avoir vraiment fini, et qui en a perdu la parole. Coupable enfin, le père de Bruno perdu pendant la guerre ». 13À défaut des pères réels, il s’agit alors de se reconnaître des pères de substitution Nicholas Ray ou Fritz Lang dont Wenders a pu dire Je l’ai regardé comme un orphelin voit le père des autres » Wenders cité par Amengual, 1997 288. Ailleurs, c’est F. W. Murnau qui tient le rôle de père dans l’Etat des choses, pour le cinquantenaire de sa mort, Wenders le ressuscite » en un Friedrich Munro, qui reprend ses propres mots, et en reprenant ses propres mots, identifie le père au fils – Wenders – je ne suis chez moi nulle part » Wenders, 1990 68 ou encore John Ford, de façon plus discrète dans Alice dans les villes – 1973 – où est fait allusion à Young Mister Lincoln – 1939. Le cinéma, c’est alors la patrie que Wenders se choisit, à défaut de se sentir chez lui en Allemagne Je ressens l’histoire du cinéma comme un lieu très paisible où il vaut la peine de s’ancrer, on y est bien et en bonne compagnie. » Wenders, 1992 260 La profondeur historique n’est plus dans les lieux ou les êtres dont nous verrons combien ils la refoulent mais dans le film lui-même, qui témoigne de l’Histoire du cinéma, une Histoire comme à la première personne, en substitution à l’Histoire tout court. 4 Richard Wilson, 1955 14Chacun des deux personnages aura ici son père de substitution. Nicholas Ray pour Bruno, qui rejoue au petit matin, après sa nuit de larmes, la scène du retour à la maison de l’enfance de The Lusty Men. Bruno est tellement entouré de personnages de cinéma et particulièrement de la figure de Mitchum – affiche de The Gun Man4au fond du camion, par exemple qu’on se demande si ce souvenir n’est pas fabriqué. En d’autres termes si cette boîte à secrets, qui contient d’ailleurs des affiches de films, n’est pas une fabrication de cinéma à savoir que Bruno ne retrouve pas ici un souvenir d’enfance, mais rejoue consciemment le souvenir du personnage du film de Nicholas Ray, comme si la mémoire personnelle était refoulée et substituée par une mémoire fabriquée à partir de matériaux cinématographiques. Et c’est tout le film qui, peu à peu, substitue à la mémoire des personnages et des lieux, sa propre mémoire, s’affiche comme reconstruction à partir de matériaux cinématographiques les dunes blanches sont un décor de western, et par là, on peut, comme Robert, en jouir. Et c’est bien la seule fois que le corps se jette ainsi avec jubilation dans le paysage. Le cinéma expressionniste allemand est totalement claustrophobique. La toile de fond de mes films, elle, vient beaucoup plus du cinéma que j’ai vu quand j’étais enfant, surtout des westerns, où le soleil brille tout le temps. Avez-vous jamais vu un film allemand des années vingt où brille un soleil radieux ? Pour moi, le paysage est tellement lié au cinéma ! … quand je tourne, j’ai l’impression de m’intéresser plus au soleil qui se lève sur un paysage qu’à l’histoire qui s’y déroule »Wenders, 1990 63. 15Fritz Lang sera le père de substitution de Robert. Il contemple à deux reprises un carré de ciel nocturne, à travers le toit du camion, cadre en attente de ce qui va le combler la figure du père que Robert découpe dans une revue suivant le même cadre, celle de Fritz Lang dans Le Mépris Jean-Luc Godard, 1963. Dans ce film sur la conscience du cinéma en Allemagne, le père perdu, non, le père manqué, s’est installé, s’est insinué de lui-même » Wenders, 1988 149. Fritz Lang, c’est le père Allemand qui s’est exilé en Amérique, père de substitution de Robert puisque immédiatement après avoir prélevé ainsi son visage, il rend visite à son vrai père. Mais avant, son regard, douloureux, sera passé du visage de Lang au projecteur enchaîné sur une étagère du camion. Il y a ici une métaphore manifeste, la question qui taraude, c’est comment être cinéaste en Allemagne, quand le cinéma a été enchaîné », exploité par l’idéologie nazie ? Jamais auparavant, dans aucun autre pays, on n’avait comme ici manipulé les images et les sons avec autant de cynisme, jamais et nulle part ils n’avaient été à ce point abaissés au niveau de véhicules de mensonges. » Wenders, 1988 132 Jamais, alors, n’a été aussi grande la méfiance à l’égard des images que ce pays pouvait par la suite produire, leur préférant les images venues de l’étranger A cause des images [du nazisme] il y a eu dans la culture cinématographique de ce pays un trou de trente à quarante ans » Wenders, 1988 133. 16Ce dont Au fil du temps témoigne alors, c’est de la déliquescence du cinéma allemand des années soixante-dix Bruno projette des films porno ou d’autres, tellement mauvais que Robert lui suggère de laisser une bobine de côté. Pour finir ils s’enfuient en laissant la projection en plan. Ce dont Au fil du temps témoigne, c’est d’un cinéma … qui peut nuire aux hommes en les éloignant de leurs désirs et de leurs peurs » Wenders, 1988 117. La jeune génération n’est pas concernée les projectionnistes de remplacement n’y connaissent rien, ou aménagent leur relation, par miroir interposé, avec les images pornographiques. Si Bruno tente d’intéresser l’un d’eux en lui montrant la croix de Malte, cette invention géniale qui transforme une rotation en translation, force est de constater que la rotation a dégénéré en éternelle répétition à l’identique c’est l’extrait en boucle qu’il projette à la jeune caissière – de la violence, de l’action, de la sensualité. Quatre-vingt-dix minutes de cinéma » répètent la voix et les images, comme les produits standardisés répètent en boucle la même recette. La propriétaire du Weisse Wand attend alors que cela change. Devant le portrait de Fritz Lang, elle défend une certaine idée du cinéma Le cinéma est l’art de la vue, disait mon père. C’est pour ça que je ne peux pas passer ces films qui ne sont que de l’exploitation de tout ce qui est encore exploitable dans la tête et les yeux. On ne m’obligera pas à passer des films dont les gens sortent paralysés et abrutis par la bêtise, qui détruisent leur joie de vivre, qui tuent le sentiment qu’ils ont d’eux-mêmes et du monde. … dans l’état actuel, mieux vaut pas de cinéma, qu’un cinéma tel qu’il est maintenant.» Si les vitrines sont vides et l’écran blanc, les projecteurs sont maintenus en état, pour être prêts lorsque le cinéma sera redevenu ce qu’il doit être. Et là aussi, le film s’affiche comme mémoire de sa propre fabrication jouant sur les lettres allumées et éteintes de l’enseigne – Weisse Wand – le mot End » se compose. Fin du cinéma et fin de l’Histoire et fin du film qui se sera, jusqu’au bout, affiché comme tel, se clôturant, comme il se doit, sur le mot fin ». 17Le seuil est le lieu où ça change » Desanti, 1999 39, ce pas que Bruno et Robert doivent dé-passer pour pouvoir dire Je suis mon histoire ». Constatons que cette réplique de Robert survient off, sur l’image du Bibendum éclairé, figure de proue du camion, nous donnant l’étrange impression qu’au fond, dans cette substitution de l’Histoire par l’Histoire du cinéma, c’est le film lui-même qui, ici, parle. Je suis mon histoire », c’est-à-dire l’histoire de ma fabrication au fil du temps et de la carte routière qui lui a servi de scénario ; fabrication ouverte aux imprévus, aux accidents, à l’hétérogénéité des matériaux accueillis au gré de sa sédimentation – séquence burlesque, documentaire, détour vers le Rhin en side-car, montage parallèle de trajectoires qui se croisent et se décroisent en fonction de la route… 18Dans le dossier de presse de L’Ami Américain 1977 Wenders revendique ce film comme politique, au contraire des films de divertissement, qui chassent de la tête des hommes l’idée de changement. Leur message répété à chaque plan est que tout est bien ainsi » Buchka, 1986 99. Déjà, nous venons de le voir, Au fil du temps milite pour un changement du cinéma. Et à la fin du film, Robert laisse un mot sur le pare-brise du camion, à l’attention de Bruno Il faut tout changer. So long. R » C’est devant le poste frontière séparant les deux Allemagnes que Robert choisit de laisser son message ce qui doit changer en premier lieu, c’est l’état de cette Allemagne divisée. Constatons que le mot est noté sur la page de garde du livre qu’il lisait jusque là et qu’on y lit présentation » par Maud Mannoni en l’occurrence, il s’agit de la préface à l’Enfance aliénée. C’est alors comme inspiré par Maud Mannoni que Robert et Wenders ? se sent la force de travailler à ce changement. 19Plus tôt, c’est par une parabole qu’il annonce cette volonté de rupture avec la répétition. Il raconte un rêve Il y a une encre qui pouvait effacer la vieille écriture et en même temps écrire quelque chose de nouveau » Mais le problème qui se pose immédiatement à Robert, c’est qu’il n’écrit que des répétitions jusqu’à ce qu’en rêve, il ait l’idée de changer d’encre. Alors, il écrit quelque chose de nouveau. À la fin du film, il rencontre un jeune garçon à la gare, qui écrit ce qu’il voit Je décris une gare. Tout ce que je vois les rails, le ballast, l’horaire. Le ciel, les nuages. » C’est aussi simple que cela. Robert lui propose d’échanger contre son cahier d’écolier, sa valise vide son identité creuse et ses lunettes de soleil son regard aveugle à cette simplicité dans l’espoir de retrouver cette transparence perdue du réel. Dans les films, les enfants sont toujours là pour vous exhorter à ne pas oublier la curiosité et l’absence de préjugés avec lesquels on peut rendre le monde visible » Wenders, 1992 64. 5 Laërte est le père d’Ulysse 20Rendre le monde visible n’est possible qu’à une condition le débarrasser des mythes qui en figent l’image, la polluent Le mythe prétendait informer, dénommer, narrer les origines mais par là même il prétendait aussi représenter, confirmer, expliquer. Cette tendance s’est accrue lorsque les mythes furent inventoriés et collectionnés ; l’information qu’ils apportaient devint une doctrine » Adorno, Horkheimer, 1974 26. L’image n’est plus conçue comme surface mais comme volume, empilement de représentations mythiques qu’il faut décoller une à une. Adorno et Horkheimer dans La Dialectique de la Raison montrent qu’Ulysse use de sa raison pour défaire les puissances mythiques par exemple, ce cyclope qui se laisse prendre au nom de Personne » L’opposition entre la Raison et le mythe s'exprime dans l'opposition entre le Je individuel – qui sur­vit – et les multiples aspects de la fatalité. La course errante de Troie à Ithaque représente l'itinéraire suivi à travers les mythes par un soi physiquement très faible face aux forces de la nature et qui ne se réalise lui‑même que dans la prise de conscience. … Le savoir qui constitue son identité et qui lui permet de sur­vivre, tire sa substance de l'expérience qu'il acquiert dans les innombrables tours et détours de sa route où il voit bien des choses se désagréger. » Adorno, Horkheimer, 1974 61 Signalons que la référence à l’Odyssée est présente dans le cinéma de Wenders, ne serait-ce que dans le nom de l’ancien nazi de Faux mouvement – Laertes5. 21Au fil du temps est ainsi le lent travail de déconstruction des mythes à commencer par le mythe du miracle économique. Ce n’est pas la RFA industrialisée, triomphante, mais un paysage d’usines en ruine, de machines arrêtées que le film nous présente. Et même Wolfsburg, avec le sigle de Volkswagen dans le paysage industriel, sigle à demi dissimulé derrière les hautes cheminées, même cette ville, symbole de l’industrialisation radieuse, est curieusement désertée. Robert ramasse un journal, on y lit noch über eine Million Arbeitslose », et plus bas Mehr als 4,8 Milliarden Marks Defizit ». C’est la misère économique qui pèse sur le vieillard aphasique, au regard ravagé, assis au milieu de son garage, qui ne sait plus que répondre à Bruno venu chercher de l’eau pour son camion – Bruno qui est bien étonné de trouver en ces lieux dévastés âme qui vive. Misère économique qui s’exprime sur un visage de vieillard que Walker Evans aurait pu, jadis, pendant cette autre grande période de misère, photographier. Il s’agit alors d’opérer la prestidigitation inverse de celle qu’opère le mythe, et sur le réel ainsi redécouvert sous le mythe, retrouver l’Histoire Ce que le monde fournit au mythe, c’est un réel historique, défini, si loin qu’il faille remonter, par la façon dont les hommes l’ont produit ou utilisé ; et ce que le mythe restitue, c’est une image naturelle de ce réel. Et tout comme l’idéologie bourgeoise se définit par la défection du nom bourgeois, le mythe est constitué par la déperdition de la qualité historique des choses les choses perdent en lui le souvenir de leur fabrication. Le monde entre dans le langage comme un rapport dialectique d’activités, d’actes humains il sort du mythe comme un tableau harmonieux d’essences. Une prestidigitation s’est opérée, qui a retourné le réel, l’a vidé d’histoire et l’a rempli de nature ; qui a retiré aux choses leur sens humain de façon à leur faire signifier une insignifiance humaine. La fonction du mythe, c’est d’évacuer le réel il est, à la lettre, un écoulement incessant, une hémorragie, ou, si l’on préfère, une évaporation, bref, une absence sensible » Barthes, 1970 216. La représentation de la RFA comme pays du miracle économique est naturelle » elle va de soi. Le travail du cinéaste consiste alors à défaire cette construction mythologique, et ce, même au prix de la solitude, ce prix que ses personnages sont prêts à payer Lorsque le mythe atteint la collectivité entière, si l’on veut libérer le mythe, c’est la communauté entière dont il faut s’éloigner » Barthes, 1970 231. Si Roland Barthes a pu voir dans le roman des années cinquante,une opération de sabordage de la littérature comme mythe littéraire – sabordage pur et simple du discours, le silence, réel ou transposé, se manifestant comme la seule arme possible à la peur majeure du mythe sa récurrence » Barthes, 1970 208 – nous pouvons voir, de la même façon, dans Au fil du temps, le sabordage du cinéma comme mythe cinématographique. Ici, pour reprendre le slogan en boucle que Bruno projette à la jeune caissière, ni action, ni violence, ni sensualité, mais du hasard, du temps, du silence il faut attendre vingt-sept minutes de silence, ou quasi, avant que Bruno et Robert ne se présentent l’un à l’autre. 22L’Allemagne n’est pas ce pays puissant que le mythe du miracle économique voudrait nous faire voir. Au gré de leurs pérégrinations, Robert et Bruno croisent deux villages Machtlos sans pouvoir » et Friedlos sans paix ». Voilà où en est l’Allemagne d’Au Fil du temps. Entre les deux, se tient une montagne, mais ce n’est pas la montagne originelle du mythe germanique elle s’appelle Toder Man l’homme mort ». Voilà où en sont les mythes après que Wenders les a arrachés au réel. Dans la voiture de Robert, au début du film, nous pouvons voir une carte postale un paysage typiquement alpin de cimes enneigées et de forêt. Wenders est particulièrement féroce envers cette imagerie, très liée à l’idée de patrie, et qui a ses avatars dans la production de l’époque Heimat Filme comment traduire ? Des films romantiques se déroulant dans les Alpes » Wenders, 1990 142. 23Pays impuissant qui ne connaît pas la paix, l’Allemagne est un pays occupé, divisé dès le début, lorsque Robert lance sa voiture dans l’Elbe, la frontière avec l’Allemagne de l’Est coupe le fond de l’image, longue balafre grillagée, parcourue de miradors. La frontière redouble celle, symbolique, du fleuve. Et à la fin, au petit matin, c’est encore sur elle que le regard bute un panneau Landes-Grenze » prévient, que de l’autre côté, c’est encore l’Allemagne, mais que ce territoire brumeux, indiscernable derrière la frontière, est interdit. Bruno, dans la couverture qu’il a jetée, comme l’éternel errant qu’il est, sur ses épaules, se cogne à cette cicatrice, cette frontière intérieure qui leur rappelle sans cesse cette culpabilité dont ils ont hérité. Bruno hurle, lance son cri de l’autre côté, mais l’apaisement ne viendra pas. La route sur laquelle ils cherchent, dans un pays devenu coupable, leur identité, a colonisé leur inconscient au moins autant que le rêve de la culture américaine » Buchka, 1986 75. En l’occurrence, les deux phénomènes sont liés méfiante à l’égard de ses deux mille ans de Kultur qui se sont effondrés dans le nazisme, méfiante à l’égard de ses images qui ont été instrumentalisées, l’Allemagne de l’après-guerre est avide de tout ce qui peut la détourner d’elle-même, en premier lieu de la culture de l’occupant. Au fil du temps présente, en décollant le mythe du miracle économique, un pays occupé militairement. C’est le poste frontière abandonné où les deux héros échouent, aux murs couverts de graffitis qui les font rêver Colorado, Texas… Holyday in » ironise Bruno. Pas tout à fait, répond Robert, mais il y a des lits – un foyer possible – et des images – les filles nues des magazines, collées sur les mur – Foyer et images, c’est tout ce que l’Allemagne demande à son occupant. La présence de ce dernier est, elle aussi, exhumée des couches mythiques si le poste frontière est désaffecté, le téléphone fonctionne et une voix américaine répond, malgré l’apparente disparition des soldats américains dans les lieux. Les disques de rock que Bruno glisse dans le mange-disque de son camion, la présence du cinéma américain – affiche avec Mitchum, avec son titre traduit en Allemand Gnadenlos ; gestes très intimes de Bruno retrouvant son enfance hérités d’un film américain –, préparent ce que Robert met à jour dans le poste frontière, tout entourés qu’ils sont en ce lieu de culture et de mots américains les Américains ont colonisé notre subconscient ! » C’est dans le rire qu’il en arrive à cette constatation, après qu’une réplique, par une brusque association d’idée, eut échappé à Bruno mean as she can be ». Bruno alors raconte qu’il lui arrive d’avoir un air dans la tête, pendant des heures, avec des paroles en Anglais, sans qu’il fasse attention aux mots. Et que ces mots peuvent surgir à l’improviste dans les conversations, les disputes. Comme si les mots en Anglais, le maintenaient à distance de lui-même. Constatons que Robert est atteint du même syndrome plus tôt dans le film, il aura croisé une effigie du Christ privé de sa croix, et lui aura dit double-crossed for the very last time, but now finally free ». Or, ces mots sont la réminiscence d’une chanson de Bob Dylan Idiot Wind, Wenders jouant des mots entre la croix et la trahison. Constatons qu’au vers suivant, il est encore question d’une frontière I kissed goodbye the howling beast on the borderline which separate you from me. » Il s’agit toujours de traverser ce qui est visible pour aller chercher dessous la couche que le mythe a recouvert Sans aucun doute toute vie, la vie humaine surtout, est‑elle une espèce de transcen­dere, un franchissement du Donné, mais il est tout aussi indubitable que ce transcendere, qui est concrètement utopique, n'implique jamais la transcendance. Celle‑ci serait une fois de plus un Donné tout fait et spectral, et s'il est absolument certain que la conscience morale de l'utopie concrète ne colle pas de manière positiviste au Factum de tout ce qui est immédiatement visible, il est encore plus certain qu'elle ne s'évapore pas dans les nues des pures hypostases de l'invisibilité mythologique » Bloch, 1991 555. 24Le pare-brise du camion est alors le lieu où se superposent les couches sédimentaires d’images renvoyant à cette germanité que le film remet en question cieux torturés, reflets des forêts, des façades à colombages… Derrière, dans l’écran large du cinémascope que le pare-brise délimite, se tiennent les deux nomades, héros d’un road movie renvoyant là à cette américanité qui a recouvert les couches inférieures. L’image n’est plus une surface mais un volume qu’il faut traverser pour remettre à jour ce qui est caché l’Histoire. En choisissant Berlin comme cadre des Ailes du désir 1987, Wenders trouve dans cette ville ce qui partout ailleurs en Allemagne, manque traces, mémoire, profondeur historique Cette histoire est ici physiquement et émotionnellement présente, cette histoire qui ne peut être vécue ailleurs en Allemagne » c’est-à-dire dans la République Fédérale, que comme dénégation ou absence, autrement dit qui ne peut être que manquée » Wenders, 1990 118. Il s’agit alors de décoller une à une ces couches d’amnésie de la surface de ces paysages blafards qui portent les traces du crime à Ostheim, la ville du père de Robert, une façade est criblée d’impacts, et c’est cette façade que Wenders met au centre du cadre. Il s’agit de traverser l’image pour en décoller l’amnésie qui la recouvre et mettre à jour les fantômes ou les démons que l’Allemagne a préféré refouler le vieux projectionniste au début du film avoue avoir été nazi, et confond les initiales du SPD et celles du parti nazi. D’ailleurs, il n’est plus très sûr du nom. Guerre froide oblige, d’anciens nazis retrouvent leur place dans cette société amnésique. La récupération kitsch est un autre moyen de refoulement la jeune caissière a gagné à la foire une bougie à l’effigie de Hitler, et Bruno, par dérision, allume sa cigarette au feu du Führer ». La démarche de Wenders est alors un véritable travail sur la mémoire J’étais moins attiré par l’étranger que repoussé par le monde familier. Le monde familier, c’était ce vide … une singulière exclusion du passé. On ne peut faire croire à un enfant qu’il est impossible de regarder derrière lui. Pourtant, j’ai grandi avec le sentiment qu’il ne fallait pas regarder en arrière. Derrière nous, il y avait un trou noir et tout le monde n’avait le regard tendu que vers l’avant, occupé à la reconstruction », en train de travailler au miracle », et ce miracle économique, je pense, n’a été possible au fond que grâce à un incroyable travail de refoulement. Cette fantastique performance n’était pas le nouveau phénix c’était de faire oublier les cendres dont il s’élevait » Wenders, 1992 221. L’omniprésence rythmique, visuelle et sonore des trains est particulièrement appuyée et ne peut pas ne pas faire penser aux trains qui sillonnèrent ce territoire, trente ans plus tôt. La présence des trains est très insistante dans la scène au bord du Rhin, ne cessant de surgir, par le son, le long de cette nuit où l’enfance – et l’absence de ce père perdu pendant la guerre » – torture Bruno. L’un se recroqueville sur sa douleur et laisse couler ses larmes, l’autre, Robert, se couche à même le sable, sous les arbres, comme s’il fallait régresser à un stade antérieur de l’humanité pour dépasser cette culpabilité que les trains, roulant et sifflant bruyamment dans la nuit, ne cessent d’activer. La maison est entourée d’arbres, retour du mythe germanique de la forêt dont on nous prévient déjà, qu’il a été contaminé. Au petit matin, c’est encore un train qui accompagne l’ouverture en fondu sur le paysage les bras du Rhin avec l’île boisée, au centre. Mais au plan suivant, c’est le mythe qui, de nouveau, est mis à mal le Rhin mythique est un lieu invivable, envahi de machines bruyantes. Quel boucan ! » s’exclame Bruno. On creuse le chenal » lui répond tranquillement Robert, achevant, par la trivialité de l’image, la dégradation du mythe. Nous avons remarqué que chacun des personnages traverse une frontière symbolique le passage à niveau pour Robert, le fleuve pour Bruno. Soit les trains et le Rhin, mémoire du nazisme et mythe fondateur qu’il s’agit de confronter. 25Le traitement qu’il choisit pour les corps et la nudité est l’antithèse de ce que les images nazies proposaient. La nudité est en effet, dans le film, assez insistante Bruno se présente à nous, nu, se déculotte pour déféquer dans la blancheur des dunes, et reste nu sous sa salopette, les trois quarts du film. Au début, Robert n’a qu’un pantalon pour tout vêtement, sous prétexte que sa chemise et sa veste sont mouillées. Mais ce n’est pas la nudité des corps triomphants que le film expose, mais au contraire leur précarité les vêtements et les corps se salissent au fil du temps, les barbes poussent d’ailleurs, les velléités de rasage de Bruno sont immanquablement découragées blaireau et tasse tombent du rebord du camion. Le seul bain, c’est celui de Robert dans l’Elbe, dont l’odeur de vase qui restera accrochée à ses vêtements le fera vomir. Il y a là un sabotage de l’hygiénisme national socialiste, qu’on retrouve aussi, par exemple, dans les baignoires de Beuys. 26Les mythes germaniques fondateurs – nous venons de voir ce qu’il en était du Rhin – sont une de ces nombreuses couches qu’il faut interroger. Ces mythes ont été récupérés par les nazis, comme le montre par exemple cette citation de Ernst Schindler, professeur à l’université de Munich en 1936 L’art est le guide, celui qui guide et accompagne notre vie. Il nous montre, sous la forme du mythe, d’où nous venons et où nous allons. » Michaud, 1996 177 Le culte des mythes fondateurs est une donnée capitale de la germanolâtrie » à laquelle Andreas Heusler, notamment, va contribuer et à laquelle un autre linguiste – Jean Fourquet – va s’opposer, montrant par exemple que le Nibelungen Lied est une adaptation de romans courtois, une réécriture à partir d’emprunts étrangers Fourquet, 1979. Accaparés par l’idéologie nazie, les mythes fondateurs se sont, pour ainsi dire, brisés dans l’Histoire et furent après-guerre l’objet d’un refoulement les mythes n’étaient plus enseignés. Choix fut fait de l’amnésie, et c’est cette couche d’amnésie que le film soulève les Nibelungen est un des films préférés du vieux projectionniste qui fut nazi. Hommage, certes, à Fritz Lang, mais également signe de l’affinité de l’idéologie nazie avec le mythe. De même, une des affiches de films que Bruno découvre sous l’escalier de la maison de son enfance est celle de Siegfried. Là encore, il s’agit de décoller une à une les strates qui collent sur l’image. J’étais une proie facile pour ces mythes américains, moi qui vivais dans un pays sans mythe, un pays qui se présentait à moi comme sans histoire et sans histoires » Wenders, 1992 223. 27De ce point de vue, la démarche de Wim Wenders est au voisinage de celle d’un autre artiste allemand Anselm Kiefer. Nés la même année – 1945 – ils ont un rapport très proche à la mémoire. Ainsi, ce que Daniel Arasse dit d’Anselm Kiefer pourrait très bien se rapporter à Wim Wenders Luttant contre l’amnésie collective qui suit la fin d’une guerre dont il ne peut avoir lui-même, d’autre mémoire que celle déjà constituée par les récits, les images et les lieux portant la marque d’une dévastation passée … il utilise ces traces et cette histoire allemande comme un matériau …. Mais en les associant aux souvenirs de l’ancienne mythologie germanique, il suggère la continuité qui relie le mythe et l’histoire, et la tragique, terrible perte de sens qui les affecte. » Arasse, 2006 68 L’un et l’autre ont d’ailleurs proposé, à deux ans d’intervalle, de donner forme à l’Ange de l’Histoire inspiré à Benjamin par un tableau de Klee Son visage est tourné vers le passé. Là où à notre regard à nous semble s’échelonner une suite d’événements, il n’y [en] a qu’un seul qui s’offre à ses regards à lui une catastrophe sans modulation ni trêve, amoncelant les décombres et les projetant éternellement devant ses pieds. L’Ange voudrait bien se pencher sur ce désastre, panser les blessures et ressusciter les morts. Mais une tempête s’est levée, venant du Paradis … Nous donnons nom de Progrès à cette tempête » Benjamin, 1991 438. Chez Wenders, l’Ange de l’Histoire s’incarne dans la figure de l’Ange des Ailes du désir 1987, chez Kiefer 1989 dans celle d’un bombardier avec des livres en plomb sur les ailes. Chez l’un et l’autre, il s’agit de faire surgir une mémoire occultée, de frayer, comme l’écrit Arasse la voie aux images inattendues d’anciens souvenirs » Arasse, 2001 75. La question est de savoir que doit-on exhumer de l’amnésie collective, comment faire travailler la mémoire ? Quels souvenirs, quelles notions faire entrer dans la mémoire ? C’est-à-dire en particulier pour un Allemand né en 1945 … comment se représenter le nazisme et sa relation avec le passé allemand plus lointain dont il se réclamait » Arasse, 2001 81. Nous avons noté la présence des trains dans Au fil du temps. Nous la constatons aussi dans les œuvres de Kiefer, notamment ces rails de chemins de fer qui rayent le paysage et renvoient aux mythes, par l’inscription du nom du tableau, sur sa surface même par exemple, le difficile chemin de Siegfried vers Brunhilde ». La présence des mythes fondateurs est discrète dans Au fil du temps évocation des Nibelungen, détour vers le Rhin… En revanche, les mythes contemporains miracle économique, rêve américain en sont au cœur. Chez Kiefer, la présence des mythes fondateurs est beaucoup plus explicite Kiefer n’illustre pas les mythes qu’il représente ; il les convoque pour confronter le mythe et l’histoire et constater que, dans le cas de l’Allemagne tout au moins, le mythe s’est effondré dans l’histoire dès lors qu’il a été appelé à y agir » Arasse, 2001 138. 28La parenté des deux artistes est très proche pour ce qui concerne leur travail sur le paysage. Il s’agit de revisiter une tradition picturale typiquement allemande, dévalorisée là aussi car récupérée par l’idéologie nazie. Et en la revisitant, de démonter un mythe celui du sol. Constatons que Robert s’appelle Lander. Nous avons remarqué la carte postale dans sa voiture, au début du film, archétype du paysage alpin. Là est la représentation du mythe, le film propose son parfait contraire cieux blancs, vides et sans relief, paysages neutres d’une Allemagne désertée de ses habitants. Les paysages nocturnes ne sont pas plus romantiques masses de brume vaguement éclairées par les phares, terre lourde aux vagues sillons, horizon barré. À cause de l’Histoire, ces paysages sont horribles. » Wenders cité par Amengual, 1997 294 Quant aux villes, elles ont l’air, au mieux, de carton-pâte, avec leurs façades à colombages, très découpées, et leurs toits, très pointus Roland Barthes montre combien le mythe découpe et ne retient qu’un détail, ici, c’est la germanité qui s’exprime dans la découpe des façades et la pointe des toits. Handke remarque que ces villes sont celles de Goethe, et c’est cette apparente continuité que Wenders déconstruit je n’ai jamais su accepter une culture qui devait sauter par-dessus une partie du passé. Tout ce qu’on regarde date du XIX° siècle. » Wenders cité par Amengual, 1997 290 Sur les paysages désertés de Kiefer, sur les labours – les mêmes que dans l’iconographie nazie – ruisselle du sang. Plus que de paysages » à proprement parler, il s’agit de fonds désolés ou angoissants, qui donnent figure à l’idée du Land, de la Terre allemande devant laquelle il convoque l’histoire et les mythes pour les mettre à l’épreuve de ce qu’on pourrait appeler, après Nietzsche, le tribunal de sa mémoire » Arasse, 2001 138. Chez Kiefer, comme chez Wenders, la question qui s’offre à nous est qu’est-ce qui est tissé dans le paysage ? Chez Kiefer, c’est par le jeu de l’épaisseur qu’il nous interroge. Chez Wenders, par celui du temps, de cette surface indifférenciée, qu’on ne peut investir, si ce n’est en décollant couche après couche les strates temporelles sédimentaires. Comme chez Kiefer, l’image est alors un volume qu’il nous faut traverser. C’est la scène de théâtre d’ombre que Bruno et Robert improvisent pour les enfants impatients, où de part et d’autre de la surface de l’écran, dialoguent les corps et les ombres, le devant et le derrière, le tout à la façon non pas du cinéma muet allemand, mais américain, c’est-à-dire ici, le burlesque. L’image est un volume nous avons vu comment les couches se superposent sur la surface du pare-brise, comment des images plus anciennes sont convoquées sous les images apparentes mais un volume qui se développe suivant une épaisseur temporelle au fil du temps, de l’Histoire, et de l’Histoire du cinéma. Il y a ici, dans le recours au cinéma des premiers temps et même du théâtre d’ombre qui l’a précédé une volonté de faire table rase. Retour aux origines que Kiefer manifeste également – de même que le mode de fabrication laissant la part belle au hasard et aux accidents que nous avons relevé plus tôt Le caractère à première vue hétéroclite de ses composants donne l’impression que l’assemblage a laissé place au hasard, à l’accident, à l’imprévu, survenus et exploités au cours de la fabrication … Cette absence, affichée et décidée, du savoir-faire de l’école donne le sentiment d’un retour aux sources – et aux questions que l’art pose au moment même où il donne figure au monde » Arasse, 2006 75. Ce n’est pas pour rien qu’Au fil du temps nous présente en parallèle les deux protagonistes Bruno régressant au stade de l’imprimerie, et Bruno à celui du cinéma des origines il colle, assemble des bouts de pellicule qui se sont déversés sur le sol de la cabine de projection. 29Georges Didi-Huberman montre combien l’image nous concerne, nous regarde » dès lors que nous ne pouvons plus l’envisager comme simple surface Il n’y a peut-être d’image à penser radicalement qu’au-delà du principe de surface. L’épaisseur, la profondeur, la brèche, le seuil, et l’habitacle. Tout cela obsède l’image, tout cela exige que nous regardions la question du volume comme une question essentielle » Didi-Huberman, 1992 61. Passer à travers le volume de l’image renvoie alors ici à cette autre traversée celle de l’identité. Selon Peter Buchka, la patrie est, dès le début, chez Wenders, un concept dialectique, qui désigne dans la même mesure un lieu que l’on désire et un lieu qui effraie » Buchka, 1986 43. Cette patrie dévaluée maintient les protagonistes en oscillation entre deux états indécidables, la quête identitaire sera alors menée sans recours à la patrie Etre étranger est pour moi rien d’autre que l’accès direct au concept d’identité. L’identité n’est pas quelque chose que l’on possède déjà. On doit passer à travers les choses pour l’obtenir » Wenders cité par Amengual, 1997 290. Et passer à travers les choses, c’est passer à travers l’image, passer à travers le paysage, y ouvrir une brèche. L’attirance de Wenders pour le cinéma américain tient selon lui, au fait que Dans leurs images se déployait une surface qui n’était jamais que ce qu’on pouvait y voir » Wenders, 1988 44. Le rejet que provoque le paysage allemand, c’est qu’il y a là toujours plus que le visible des strates et des strates de culpabilité que le mythe, et c’est sa fonction, a recouvert. Comme l’écrit Barthes Cette évaporation miraculeuse de l’histoire est une autre forme d’un concept commun à la plupart des mythes bourgeois lirresponsabilité de l’homme » Barthes, 1970 225. Le mythe innocente, le cinéma de Wenders cherche à remettre à jour la culpabilité sous la couche d’innocence. À la fin du film, nous assistons ainsi à une véritable ouverture cinématographique du paysage. Robert et Bruno se sont séparés, l’un est en train, l’autre en camion, leurs trajectoires croisées ouvrent le paysage de part en part, le lacérant pour en décoller les mythes anciens ou modernes qui le dissimulent Le besoin d’oublier vingt années, le sentiment de la faute, a fait comme un trou et on a tenté de le recouvrir … en assimilant la culture américaine. Nous l’avons recouvert avec le chewing-gum et avec les photos polaroïd » Wenders cité par Amengual, 1997 290. 30C’est cette brèche qu’il faut rouvrir, et pour atteindre cette brèche, traverser le visible, le Donné, sans le prendre pour ce qu’il est, et c’est le prix de l’utopie, là où l’Homme peut encore espérer se constituer lui-même Or, la racine de l'histoire c'est l'homme qui travaille, qui crée, qui transforme et dépasse le Donné. Dès qu'il se sera saisi et qu'il fondera ce qui est sien dans une démocratie réelle, sans dessaisissement et sans aliénation, naîtra dans le monde quelque chose qui nous apparaît à tous dans l'en­fance et où personne encore n'a jamais été le Foyer Heimat » Bloch, 1991 559. Aufil du temps en Alsace; Le temps au gré des jours; 2000 ans de climat; dédicaces; Presse et communication; expositions; conférences; chroniques radio-télé; climat-météo; Accueil. Dans la tourmente volume 1. Au fil du temps en Alsace. Le temps au gré des jours. 2000 ans de climat. dédicaces. Presse et communication. expositions . La Haute Provence au gré du temps La publication de l'ouvrage La Haute Provence au gré du temps, fait suite à l'exposition du même nom. Les Archives départementales des Alpes de Haute Provence ont présenté cette exposition de septembre 2018 à fin août 2020. Soixante-quinze "très petites histoires" accompagnent des clichés qui dévoilent, hier et aujourd'hui, autant de communes du département des Alpes de Haute Provence, du Lauzet au nord à Quinson au sud, de Colmars à l'est à Banon à l'ouest. Le procédé de la re-photographie, appelée aussi photographie comparée ou photolalie, permet de comparer un même paysage photographié à des années de distance et ainsi d'en mesurer les transformations. Cette technique a donc pour but de confronter deux photographies d'un même lieu à des mois ou des années d'écart. Pour ce faire, il faut prendre les photographies selon le même angle de vue. Les histoires évoquent, au singulier ou au pluriel, des personnages, des lieux et aussi des événements. Ecole et mairie, cathédrale et baptistère, église et chapelle, croix et cimetière, moulin, fontaine et lavoir, séchoir et cabane pastorale, château et tour, gare, poste et gendarmerie, casino et hôtel, horloge et four communal, place publique et toit des maisons, route et pont, adduction d'eau et électrification, événement climatique et risque naturel, Cent-Jour,soulèvement de 1851 et guerre, Napoléon et une maîtresse d'école particulièrement sévère... Voici donc une manière originale de découvrir l'ancien département des Basses-Alpes, du début du XIXe siècle à nos jours. Cette exposition et cet ouvrage ont pu être réalisés grâce à plus de 150 cartes postales et photographies anciennes conservées aux Archives départementales. Informations complémentaires Ouvrage disponible à la vente depuis décembre 2019. La Haute Provence au gré du temps, Archives départementales des Alpes de Haute Provence. Publication 2019, 157 p. - ISBN 978 2 86004 048 8 Vendu 15 € aux Archives ou à commander 15 € frais de port compris. Archives départementales des Alpes de Haute Provence, 2 rue du Trélus 04000 Digne-les-Bains chèque à l'ordre du Trésor public. Télécharger le bon de commande Les Archives Départementales des Alpes de Haute Provence Laisser nous votre avis... 2 commentairesPartagez cette page sur...Lire les derniers articles...Qui suis-je ? Webmaster à l’Agence de Développement des Alpes de Haute Provence, j’ai par ailleurs une passion pour les livres et l’écriture. Lectrice et amoureuse des Alpes de Haute Provence, j’anime ce blog sur les écrivains, les livres et l’écriture, pour faire découvrir ce beau département autrement… Loin d'être un blog littéraire, je partage simplement mes lectures d'écrivains du département tels que Jean Giono, Pierre Magnan, René Frégni, Alexandra David Neel, Maria Borrely... et vous présente de nouveaux auteurs. Je vous invite aussi à découvrir ce département qui inspire tant d'écrivains ! Fan de Maria Borrely, des descriptions de Jean Giono, de Jean Proal... et toujours à l'affût de nouvelles écritures ! N'hésitez pas à donner vos avis et à partager vos lectures d'écrivains bas alpins ! Florence Suivez-moi aussi sur Twitter Recevez les prochains articles En vous inscrivant ci-dessous, vous recevrez directement par e-mail les prochains articles publiés sur ce blog. en moyenne un par semaine Articles récents Les éditions Izalou et la lecture grande cause nationale Bibliothèque Sonore "Marie-France" des Alpes de Haute-Provence Revue Alexandra David-Neel n° 2 Les Rencontres Giono 2022 - Hommage à Jacques Mény Lou Pastre de Emmanuel Breteau La Ruche des mots Salon du livre Riez La Romaine Une vie à grimper de Bernard Gorgeon Emerveillez-vous ! de François Couplan Les Fables d'Etalon Naïf de Lucienne Desnoues Revue verdons n° 67 quand l'eau manque... Hors-Série Grès d'Annot - Revue Au fil du Coulomp Ercilie d'Ourène, baronne de Saint-Jérôme de Daniel Berthet Recto-Verso de Rémi Patron Autour d'une vie, des mots en farandole de Dominique Bal Antiques trahisons de Gilles Vincent

HAIKUHIVER HAIKU DU JOUR >> 27 novembre 2010 6 27 / 11 / novembre / 2010 10:15. AU FIL DU TEMPS Partager cet article. Repost 0. Published by Au gré d'un souffle-dans INTERLUDE commenter cet article HAIKU HIVER HAIKU DU JOUR >> commentaires. Ajouter un commentaire Bienvenue ! Blog: Au gré d'un souffle Description

Du vendredi 1 janvier au vendredi 25 mars 2016- Terminé Exposition "Conter le temps, perception et mesure au fil des siècles". Du 30 novembre 2015 au 25 mars 2016 aux Archives Départementales de la Moselle Au moment où les "fêtes" et le changement d’année occupent tous les esprits, les magazines et la publicité, les Archives départementales se penchent sur la manière de percevoir et de mesurer le temps au fil des siècles. La datation pose en effet bien des problèmes à l’historien dont une des tâches essentielles et primordiales est de pouvoir situer et ordonner événements et générations. Au gré des almanachs, livres, chartes médiévales et gravures, l’exposition explique les différentes manières d’exprimer le cours des jours et des années et de dater. Celles-ci n’ont pas connu de norme officielle et unique en France avant le milieu du XVIe siècle. Alors même que de savants astronomes calculent et réforment le calendrier, subsistent de nombreuses façons d’évaluer la scansion des jours, au rythme du soleil, des cloches des églises, du travail de l’année, du repos et de la fête. On ne peut ignorer enfin que le calendrier est porteur d’une culture et qu’il a constitué un enjeu politique et religieux. Au fond, pourquoi fête-t-on la fin ou le début de l’année - Informations pratiques Entrée gratuite. Tout public. Horaires d’ouverture du lundi au vendredi 8h30 - 16h45 et le samedi 8h30 - 12h30 Renseignements Archives départementales de la Moselle 1, allée du Château à Saint-Julien-lès-Metz Tél. 03 87 78 05 00 Photo © DPT57 Lieu archives départementales de la Moselle Adresse Allée du Château Ville Saint-Julien-lès-Metz Département Moselle Région Grand Est Pays France Annoncé anonymement le mercredi 22 juillet 2020 Modifier cet évènement Nous utilisons des cookies pour nous assurer du bon fonctionnement de notre site, pour personnaliser notre contenu et nos publicités, et analyser notre trafic. ZzcX.
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